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Publié le vendredi 8 juillet 2022

Matinale Fondation IDEA sur le logement

Le ministre Kox combattif et convaincu dans sa vision

Le ministre Kox combattif et convaincu dans sa vision
Le ministre Kox combattif et convaincu dans sa vision
Le ministre Kox combattif et convaincu dans sa vision
Le ministre Kox combattif et convaincu dans sa vision
Le ministre Kox combattif et convaincu dans sa vision

Le 6 juillet, la Fondation IDEA recevait Henri Kox, ministre du Logement, dans le cadre de sa traditionnelle Matinale. Devant un auditoire attentif et intéressé, pendant plus de deux heures de conférence-débat, le ministre du Logement a défendu bec et ongles l'action gouvernementale dans ce domaine hautement complexe et épineux qu'est le logement au Luxembourg. Le débat était animé par Michel-Edouard Ruben, Senior Économiste chez IDEA, qui, fidèle à sa verve habituelle, n'était pas en manque d'interrogations et de contre-pieds.

Si l'on devait retenir une expression de ce débat, ce serait la précision de Mr Kox quant à l'intitulé de son ministère, proférée comme un leitmotiv tout au log de la conférence, et notamment après un propos de Michel-Edouard Ruben. Ce dernier venait de présenter un graphique illustrant l'augmentation du prix du m2 dans l'ancien, passant de 6400 € en 2019 (année de la désignation de Henri Cox en tant que ministre du Logement) à 8596 € au 1er trimestre 2022. Une hausse qui a dû faire le bonheur des 70% de ménages au Luxembourg qui sont propriétaires de leur logement. « Est-ce que ces personnes au moins vous ont dit merci, Monsieur le Ministre ? », a demandé Michel-Edouard sur un mode taquin.

« Je suis le ministre du logement abordable, et pas simplement du logement, a rétorqué Henri Kox. Ceux pour qui je veux m'engager, ce sont les laissés-pour-compte, ceux qui n'arrivent plus à se loger décemment dans les conditions actuelles du marché. Aujourd'hui, 20.000 ménages dépensent plus de 50% de leur budget pour le logement, et le risque de pauvreté est de 17,5 %. Mon objectif est de faire en sorte que tout le monde ait un toit sur la tête, et à des conditions raisonnables. C'est dans cette perspective que nous voulons inscrire le droit au logement dans le projet de la nouvelle Constitution. »

La distinction entre deux types de logements destinés à deux types de publics était d'ailleurs mentionnée dès l'introduction de la réunion par Michel Wurth, président de la Fondation IDEA. Celui-ci a plaidé pour la mise en place d'un second marché de l'immobilier « abordable », en parallèle avec un marché libre régi par la loi de l'offre et de la demande.

L'objectif étant de permettre à tous ceux qui n'ont pas les moyens de trouver un logement sur le marché libre de se tourner vers les objets abordables proposés et gérés par l'Etat, les communes et des associations dédiées à l'accès au logement.

Un avis pleinement partagé par Henri Kox qui a déclaré que toutes les lois élaborées par son ministère sont orientées justement vers le développement de ce deuxième marché.

A l'exemple de pays comme l'Autriche ou les Pays-Bas, l'objectif au Luxembourg est d'augmenter la création de logements abordables et de faire en sorte qu'ils restent entre les mains des pouvoirs publics. Ces appartements ou maisons "abordables" ne constituent actuellement que 1,6 % du parc dans le pays, alors que la proportion est de 10 à 15 % en Allemagne et en France, et même 30 % aux Pays-Bas.

Les objectifs du ministre tant sur le plan législatif que sur le plan constructif sont clairs : construire davantage de logements abordables et garantir que ceux-ci restent dans la propriété publique, pour à terme atteindre 10 à 15 % du parc national de logements. Les grands projets actuellement en chantier sous la baguette des promoteurs publics, à Wiltz, Dudelange, Elmen …, vont tous dans ce même sens.

Il faut cependant éviter de commettre les mêmes erreurs que dans le passé. Depuis les années 1970 en effet, les pouvoirs publics ont beaucoup investi dans la construction de logements sociaux, mais, faute de cadre réglementaire suffisant, après dix ans, la plupart de ces objets ont été déportés vers le marché privé, permettant aux propriétaires subventionnés de faire de juteuses plus-values.

Une faille du dispositif qu'entend corriger la réforme de la loi sur l'aide au logement, actuellement en cours de discussion.

Quels sont les critères désignant le bénéficiaire d'un logement abordable ?

Le principe est que le ménage bénéficiaire de ce logement ait de quoi vivre décemment après avoir payé son loyer ou sa mensualité. Le taux d'effort – la proportion du coût de logement et le revenu disponible – doit être pris en compte pour l'éligibilité d'un bénéficiaire de logement abordable et sa capacité de paiement.

Le ministre a ensuite souligné combien il est essentiel d'associer les communes à cette stratégie nationale de création de logements abordables. Le pacte logement 2.0, déjà signé par 100 communes sur 102, engage celles-ci à augmenter l'offre de logements abordables et durables, à mobiliser le potentiel foncier et résidentiel existant, et à améliorer la qualité résidentielle. Dans ce but, l'Etat met en place un programme d'accompagnement et de conseil ainsi que des dotations financières qui sont soumises à l'obligation de résultat, c'est-à-dire à la création effective de logements abordables. L'apport de l'Etat peut aller jusqu'à 75% de subvention pour les projets de création de logements abordables.

Lors de cette conférence-fleuve, le ministre est également revenu sur l'article 29bis du pacte logement 2.0 portant sur la création d'un nombre plus élevé de logements abordables dans chaque plan d'aménagement particulier « nouveau quartier » (PAP NQ). Cet article instaure un mécanisme automatique permettant la cession à la main publique de 10 à 20 % de surfaces constructibles en contrepartie d'une augmentation du potentiel constructible.

D'autres leviers nécessaires pour la mobilisation d'un nombre plus élevé de terrains constructibles (rappelons que des études récentes ont établi qu'il y a plus de 3.700 hectares non construits au sein des PAG) ont été évoqués, tels que le remembrement ministériel, le Baulandvertrag et la réforme de l'impôt foncier.

Un autre moment animé du débat a été l'échange autour de la fameuse loi sur le calcul du loyer annuel qui, d'après la législation en vigueur, ne peut pas dépasser 5% du capital investi dans un logement. Une disposition qui est cependant rarement appliquée dans les faits, les propriétaires préférant se réguler selon les prix du marché pour demander des loyers souvent abusifs au regard de la vétusté du logement.

Le ministre a reconnu que la loi en vigueur n'est plus adaptée à la réalité actuelle, et qu'elle fera l'objet d'une refonte afin d'installer plus de transparence et de clarté dans les contrats entre bailleurs et locataires.

Lors de la séance de questions-réponses bien nourrie qui a conclu la rencontre, une des interventions de l'auditoire interrogeait le bien-fondé de l'emphytéose. La question portait sur un logement subventionné que le propriétaire avait acquis sous le régime emphytéotique et qu'il avait dû revendre après quelques années pour cause d'accident de la vie (divorce). La revente à l'organisme public détenteur du terrain devait se faire au prix que l'acquéreur avait payé à l'origine, majoré de l'indice du coût de construction (STATEC), ce qui l'empêchait de faire une quelconque plus-value et ce qui diminuait la valeur patrimoniale de son bien.

Cette question a fait sortir le ministre de ses gonds.

Henri Kox : « Je suis là pour le droit au logement, pas pour le droit à la propriété. Si je parle de logement abordable, c'est pour venir en aide à tous ceux qui sont défavorisés par rapport aux prix du marché. L'objectif, c'est qu'ils aient où loger, pas qu'ils puissent faire fructifier un capital immobilier. Pourquoi une institution publique devrait-elle donner à un particulier la possibilité de participer à cette spirale de plus-values qui alimente la hausse du marché ? L'emphytéose, en neutralisant la charge du foncier, permet de proposer des logements à un coût abordable à des ménages qui en ont besoin. Par ailleurs, c'est un dispositif qui permet aux acteurs publics de garder les terrains dans ses mains, ce qui lui donne plus de possibilités pour poursuivre une stratégie cohérente de logements pour tous. »

Deux heures de débat très animé, donc, pendant lesquelles le ministre Henri Kox s'est montré passionné et habité par sa mission, malgré la complexité de la problématique qui a mille ramifications et qui met en jeu les intérêts d'une profusion d'acteurs et agents.

Comme le rappelait Michel-Edouard Ruben dans sa conclusion, le logement a toujours été en tête des préoccupations au Grand-Duché, et de façon régulière depuis la fin du 19e siècle, on a parlé de « crise du logement » et tant les acteurs publics que privés ont élaboré des programmes et des stratégies pour faire face à la pénurie de logements. Cette crise qui semble donc récurrente et durable ne serait que le miroir d'une dynamique économique soutenue qui continue d'attirer de nouveaux résidents renflouant la demande d'habitations. Une course à la croissance qui a donc à la fois des gagnants et des perdants et qui serait en train de s'intensifier, pour conduire au fameux million d'habitants dans quelques années. Les logements, les infrastructures, la mobilité, les finances, la cohésion sociale, tout sera mis à l'épreuve de cette évolution pas si lointaine que ça.

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